À notre époque où nous sommes entourés de conflits (nous pouvons penser à la guerre en Israël, en Ukraine mais aussi à bien d’autres) et de polarisation, il est important de se rappeler que l’Église est appelée à être un peuple « d’artisans de paix » (Mt 5,9). Toutefois, lorsque l’on réfléchit à la paix, il est marquant de réaliser que l’on pense d’abord à l’absence de paix qu’à la paix elle-même. Cela est symptomatique du fait que nous avons à la fois de la peine à imaginer ce à quoi devrait ressembler la paix -n’y a-t-il pas tant de conflits déjà dans nos familles et dans nos cœurs?- mais aussi que nous avons souvent une mauvaise compréhension de ce qu’est la paix.
Qu’est-ce que la paix?
Dans une situation pareille, il est important de chercher à comprendre ce qu’est la paix. Nous avons tendance à voir la paix comme étant l’absence de conflits. Des expressions telles que « fiche-moi la paix », illustrent bien notre notion très moderne de la paix: si les problèmes sont absents alors la paix est là. Cette définition de paix est peu ambitieuse et peu être vécue sans le moindre effort. Il nous suffit d’éviter les personnes (ou choses/sujets) qui apportent des conflits. Il s’agit ici de faire la politique de l’autruche et de se fermer à l’extérieur, de vivre en ermite par rapport aux autres. Beaucoup de personnes vivent cela en quittant leur assemblée dès qu’il y a un problème. Toutefois, la définition biblique de la paix est toute autre. En hébreux, le paix se dit shalom et véhicule une idée de restauration, de santé, de sécurité, de repos et d’harmonie. Lorsque la Bible nous exhorte à être en paix avec les autres, elle ne nous appelle donc pas à les éviter mais à créer un endroit sûr, où chacun peut être en bonne santé, grandir et être en harmonie avec les autres. Cela demande de rechercher les intérêts des autres, de faire pour eux ce qui est leur permet de grandir. Et c’est assez profond comme réflexion parce que ça exige de créer un cadre sûr où les autres sont capables d’entendre ce que l’on a à dire et ça implique de connaître les autres pour être sûr de savoir ce qui est bon pour eux. Alors que notre société nous enseigne que pour être en paix avec les autres on doit les laisser agir sans rien dire (même si l’on n’est pas d’accord et que l’on pense que ça va les détruire), la Bible nous enseigne que la recherche de la paix est beaucoup plus profonde, parce qu’elle est motivée par la santé physique, émotionnelle et spirituelle des personnes qui nous entourent.
Pour ne prendre qu’un exemple: lorsque nous éduquons des enfants, nous avons tendance à céder à leurs caprices pour « avoir la paix ». Ces derniers se mettent donc devant la télé toute la journée en mangeant du chocolat et en étant sur les téléphones. La Bible nous dit que la recherche la paix ressemble plutôt à un père qui fixe les limites pour ses enfants et qui essaie de les éduquer à aimer ce qui est bon et à faire ce qui est bien.
Le shalom comme cause de conflit?
Comme vous l’avez sans doute déjà vécu avec vos enfants, cette recherche du shalom va parfois conduire à des tensions parce qu’au lieu de fuir les autres, on va essayer d’aller vers eux ; parce qu’au lieu de ne rien dire, on va parfois devoir confronter les autres sur certaines situations. Lorsque vous mettez en garde un ami sur une relation toxique qu’il a, cela va sans doute créer des tensions, pourtant cet appel au shalom nous oblige à le mettre en garde pour son propre bien. Pour des personnes dans des situations d’addiction notamment, le meilleur moyen d’être bon envers eux est souvent d’être ferme et de tenir clairement les limites. C’est à cela que l’on remarquera que vous ne cherchez pas à recevoir d’une relation mais que vous recherchez le bien des autres. Cela en va de même pour les conflits intérieurs. Si vous êtes comme moi, vous n’aimez pas vous attaquer à vos conflits intérieurs et vous essayez de les mettre de côté comme si éviter les sources de conflits allait les régler. La Bible nous dit que pour régler ces conflits intérieurs nous devons les traiter et non pas les fuir.
Comment vivre le shalom?
Cela est bien beau mais comment vivre cette paix profonde? Il est clair que cela va demander de grands efforts. De fait, on ne peut pardonner que si l’on a été pardonné, que si l’on a vécu le shalom. La mort et la résurrection de Jésus nous montrent que Dieu nous a pardonné, qu’il recherche ce qui est bon pour nous, qu’il veut que nous soyons en harmonie avec lui, et avec les autres. Il nous place dans son Église pour que l’on soit dans un cadre sécuritaire qui développe cette harmonie croissance chez les uns et les autres. Soyons hospitaliers et accueillons les autres chez nous et dans nos vies, qu’ils se sentent en sécurité pour partager et s’ouvrir à nous. Mais par dessus-tout, cherchons d’abord ce qui est bon pour les autres et ce qui va les rapprocher de Jésus. Nous verrons dans un prochain article un peu plus à quoi devrait ressembler cette communauté chrétienne où la paix est vécue et où Jésus est placé au centre.